interdites de la coalition Lamuka

La Rédaction de Nyota Radio Télévision

En fin de matinée, ce dimanche, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants qui ont tenté de braver l’interdiction de manifester à Kinshasa. L’opposant Martin Fayulu, escorté par la police jusqu’à son domicile, dénonce un État de « non droit ». À Goma, un manifestant à succombé à ses blessures, selon la police.

C’était il y a 59 ans, jour pour jour, ce dimanche 30 juin, l’indépendance de la République démocratique du Congo. L’opposition a profité de cet anniversaire pour appeler à des manifestations pacifiques mais les autorités ne l’entendent pas de cette oreille.

Dès le début de la matinée, quelques détachements de policiers étaient visibles dans divers points stratégiques de la capitale Kinshasa. Notamment devant la résidence d’où avaient prévu de partir Martin Fayulu et Adolphe Muzito. Cela n’a pas empêche les deux opposants de rejoindre en voiture le Marché de la liberté, dans la commune de Masina, l’un de leurs fiefs, où ils ont commencé à cheminer dans leurs véhicules, suivis et acclamés par quelques centaines de militants. Ces derniers ont tenu bon un peu plus d’une heure, déterminés, décidés à marcher, malgré l’interdiction de cette marche et les gaz lacrymogènes lancés par la police et quelques brèves interpellations.

«Ils nous ont bousculé ils ont tiré des gaz lacrymogènes, ils ne veulent pas qu’on manifeste. Nous marchons pour dire non. Parce que nous souffrons !»

Une marche « étouffée dans l’œuf » par la police

En fin de matinée des policiers ont décidé d’immobiliser les deux opposants en crevant les pneus de deux de leurs véhicules à l’entrée du boulevard Kimbuta, dans la commune de Ndjili. Le chef de la police nie avoir donné un tel ordre mais a déclaré à RFI « assumer le geste de ces policiers » qui n’ont fait qu’appliquer l’interdiction de manifester donnée par le gouverneur de la ville.

S’en sont suivi des négociations qui ont abouti à ce que les deux opposants soient finalement escortés par la police jusqu’à Faden House, la résidence de Martin Fayulu, avant donc d’avoir pu rejoindre l’échangeur de Limete ou devait converger la marche.

La police a alors tiré de nombreux gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants encore présents. Des témoins ont signalé des brutalités, Lamuka dé, ce que refuse de confirmer le chef de la police qui déplore un blessé dans ses rangs. La police qui se félicite d’avoir « étouffé dans l’œuf » la marche tandis que l’opposant Martin Fayulu assure que les kinois étaient au rendez-vous mais ont été empêchés par une « répression violente ».

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« Ce n’est pas un État de droit. Cela signifie que Félix Tshisekedi, hier il était avec nous, il marchait avec nous, on subissait cela avec lui et aujourd’hui, il nous fait subir »,a réagi Martin Fayulu. « Le peuple ici est déterminé à ce que monsieur Kabila puisse partir parce que si monsieur Kabila a pris ce masque qui est Félix Tshisekedi et que Félix Tshisekedi accepte d’être « la marionnette » de Kabila, nous n’acceptons pas cela. Kabila doit définitivement partir. Vous sentez les gaz lacrymogènes ? Ils ont peur de la réaction de la population parce que s’ils commettent plus de bêtises, ils verront. Regardez, ils tirent. Vous entendez ? Vous sentez les gaz lacrymogènes ? C’est pourquoi ça ? Voyons voir. Nous avons commencé et nous allons continuer », a-t-il ajouté, promettant de ne pas baisser les bras.

« Une population a été au rendez-vous et a choisi de marcher pour exprimer sa volonté de voir respectée l’expression de son vote etc, mais qui a été empêchée, qui a été gazée ; on a utilisé des bombes lacrymogène et des balles réelles et c’est dramatique pour un État dont le président se dit républicain et démocrate.»

Un mort à Goma

Des échauffourées ont également été signalés dans la province du Kwilu. Des heurts ont aussi éclaté à Goma, où la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser de petits groupes de manifestants. Un civil a été tué dans des échauffourées dans la capitale du Nord-Kivu. Selon Maitre Luc Bilengi, cadre de la coalition de l’opposition, la police a ouvert le feu sur le jeune, avant même le début de la manifestation, puis a emporté le corps, ce qui a entraîné la colère de la population

« La police a commencé à disperser les gens et tout est parti de là. Ils ont tiré sur un jeune qui se trouvait au lieu de départ de la manifestation », a déclaré maître Luc Bilengi, cadre de Lamuka. « Et quand on a vu les actes de barbarie qui ont commencé, les gens qui barricadent la route, incendient les véhicules, on ne pouvait pas accepter que cela puisse continuer, voilà pourquoi nous nous sommes retirés. »

« Un manifestant de Lamuka vient de succomber à ses blessures », a confirmé le colonel Mwanamputu, porte-parole de la police nationale congolaise, qui a  également annoncé qu’un officier de police a aussi été blessé. La police explique que les manifestants étaient très hostiles, qu’ils avaient érigé des barricades et qu’un policier a même été blessé, une arme de service volée. Mais son porte-parole promet une enquête, car la consigne était claire : pas de balles réelles.

« Le policier qui a tiré doit être interpellé parce qu’il a été formellement interdit qu’un policier se serve d’une arme létale pendant les manifestations », avant d’ajouter qu’il y aura « une enquête pour savoir qui a tiré et sur ordre de qui », a-t-il affirmé.

C’est sans doute dans la capitale provinciale du Nord-Kivu que les échauffourées ont été les plus violentes, avec donc au moins un décès côté manifestants, un blessé du côté de la police, des barricades érigées et même un véhicule brûlé.

Lamuka dit condamner les violences des deux bords et avoir annulé la marche. À Goma ainsi qu’à Kinshasa, le calme était revenu à la mi-journée. Le chef de la police de Kinshasa, le général Sylvano Kasongo déplore l’ « agressivité » de certains partisans. Il affirme avoir arrêté l’un d’entre eux qu’il accuse d’avoir « tabassé » et « grièvement blessé » un policier, promettant qu’il sera jugé en flagrance. Il assure que toutes les autres personnes interpellées « ont aussitôt été relâchées. » Pour le chef de la police de Kinshasa, la mobilisation n’était pas au rendez-vous, il parle d’une « manœuvre de marche ». Rappelons que l’appel à manifester avait été signé par cinq opposants: Martin Fayulu et Adolphe Muzito, mais aussi Moïse Katumbi, absent du pays, Freddy Matungulu et Jean-Pierre Bemba, qui est arrivé vers 18h de Kinshasa à Géména, son fief où il projette lui aussi de manifester.

rfi