RD Congo : bienvenue en kinoiserie

RD Congo : bienvenue en kinoiserie

Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal. Pour ceux qui ne le savent pas, les habitants de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, sont des Kinois.

Ils seraient une dizaine de millions. Ce chiffre n’est qu’une estimation, d’autant que le dernier recensement de la population dans ce pays remonte à… 1984. Les Kinois, dont je suis, ont une langue commune : le lingala, l’une des quatre langues nationales. Être kinois de naissance ou d’adoption confère un certain prestige et un complexe de supériorité par rapport aux provinciaux. Pourtant, la ville, rongée par l’insalubrité, en plus de ses rues défoncées, n’a pas bonne mine.

Les Kinois, qui ont fière allure, sont considérés, à tort ou à raison, comme des sapeurs, des « ambianceurs » invétérés, des hommes de la danse, grands buveurs de bière. Ils sont, en somme, des braillards qui, face aux difficultés de la vie – la grande majorité d’entre eux vit d’expédients –, recourent à des astuces inattendues pour survivre. Cela se traduit par une sorte de violence verbale dans les rapports sociaux. Chacun joue au dur pour ne pas se laisser marcher sur les pieds. Et use d’intimidation comme moyen de défense et pour se défouler.

Les Kinois sont peut-être les seuls habitants de notre planète à répondre à des questions par… des questions ! Des exemples ? Une dame se rend dans un marché de la ville pour acheter du poisson. Elle s’arrête devant un étal. Mais elle constate qu’une nuée de mouches se pose dessus. Elle demande à la vendeuse pourquoi il y a autant de mouches sur les poissons. Réponse sans appel de la vendeuse : « Quel est votre problème ? » Une autre consommatrice demande le prix d’un produit à une commerçante : « Combien ça coûte ? » La réponse est étrange : « Vous voulez acheter ? » Après une journée de dure débrouillardise, un père de famille rentre chez lui. Il demande à sa femme : « Avez-vous déjà mangé ? » Réaction de la dame : « M’avais-tu laissé de l’argent pour les provisions ? »